L’histoire vraie dont il est question est traitée dans ce documentaire »Sacrifice paysan » https://www.youtube.com/watch?v=snmaxbkZhAg .
Nous vous invitons à découvrir documentaire et pièce de théâtre et à continuer toujours à inventer un monde humain et vivant!
Accueil public à partir de 16h30 avec un bureau de change du
Le spectacle sera suivi d’un temps d’échange et d’un apréo dinatoire en mode auberge espagnole.
Durant ce temps de partage Christelle nous a lu la lettre ouverte de la soeur de Jérôme, parue dans la presse:
« Jérôme n’en finit pas d’inspirer des récits. Après Neuf mouvements pour une cavale, Petit paysan tué, Pleine terre, le documentaire Sacrifice paysan, diffusé actuellement par Arte, revient sur les contrôles administratifs en milieu paysan avec pour fil rouge une partie de son histoire.
Une partie seulement, portée par des témoignages pour certains émouvants de sincérité, pour d’autres brillants de lucidité quand d’autres ne sont que propos de comptoir sur la psyché de Jérôme.
Chacun pourra se faire sa propre opinion mais je veux saluer le témoignage des deux journalistes du Journal de Saône et Loire, auxquels Jérôme avait transmis ses chroniques pour alerter sur sa situation et plus généralement sur les dérives d’une administration paperassière et despotique à l’égard des paysans. L’un d’eux qualifie Jérôme de lanceur d’alerte. Cela lui aurait plu car c’était bien l’objectif qu’il s’était assigné.
Nous alerter, sa famille, ses amis, ses collègues confédérés, la presse, les consommateurs, sur les dangers à maltraiter la terre qui nous nourrit et ceux qui la soignent, « ces virtuoses de l’adaptation et artisans de notre satiété », ces petits paysans qui entretiennent nos paysages sans en recevoir aucun salaire.
Le documentaire est porté par l’analyse percutante de Yannick Ogor, qui montre la vacuité de ces contrôles, dont le principal effet est d’accélérer l’hécatombe paysanne tout en enrichissant les intermédiaires, lors des saisies de troupeaux par l’OABA, sans apporter la sécurité alimentaire promise aux consommateurs.
Un jeu de dupes dont Jérôme avait parfaitement saisi les enjeux politiques et financiers, qu’il avait entrepris de dénoncer, considérant l’administration complice de cet ethnocide. Un courage que certains n’ont toujours pas perçu, prétendant ranger ses choix politiques dans la case isolement et dépression après avoir déclaré qu’il avait agi au-delà de la raison.
Ceux-là parlent sans savoir et devraient méditer cette réflexion de mon frère qui s’est souvent demandé si c’est un signe de bonne santé mentale que d’être adapté à une société malade ?
C’est parce que Jérôme ne supportait plus cette comédie humaine qu’il souffrait et non parce qu’il aurait été atteint d’un syndrome dépressif. Ne confondons pas les causes et leurs effets.
Ce documentaire doit cependant être vu comme un travail inachevé dès lors que ne sont pas abordés le silence sinon la complicité de certains organismes professionnels à l’égard des abus de l’administration et surtout l’absence de cadre légal à l’intervention des forces de l’ordre lors des contrôles effectués sur la ferme de Jérôme.
Ce documentaire peut laisser penser que l’administration est toute puissante alors qu’elle est tenue elle-même par un cadre réglementaire dont elle s’était totalement affranchie chez Jérôme. C’est d’ailleurs ce qui a conduit le tribunal administratif de Dijon a annulé, en février 2020, l’ensemble des contrôles réalisés en 2015 et 2016 chez celui-ci.
Un peu l’arroseur arrosé, sauf que cette réhabilitation posthume reste une victoire au goût amer.
Il n’en demeure pas moins incompréhensible que ce documentaire fasse l’impasse totale sur ce dénouement alors même qu’il éclaire le rapport de force imposé par l’administration avec l’aide de la force publique (chacun des contrôles se tenait en présence d’une huitaine de gendarmes) et redéfinit les rôles d’agresseur et agressé tenus par chacun.
Si Jérôme a fui lors du dernier contrôle, ce n’est pas pour échapper au contrôle en lui-même mais parce que, face à ces gens, contrôleurs et gendarmes, il n’avait plus aucun droit et que le pire devait être envisagé.
Et le pire est advenu. C’est encore cet enchaînement qui va le pousser à fuir le 20 mai et à succomber sous les balles d’un gendarme. 5 balles tirées, 3 sur le côté et 2 depuis l’arrière de son véhicule. 3 balles mortelles l’ont atteint au genou et dans le dos. Et sa vie de paysan engagé s’est brutalement arrêtée.
Le lanceur d’alerte s’est tu mais les canicules, sécheresses, feux de forêts et conflits sur l’usage de l’eau nous rappellent cruellement combien la terre doit être rendue aux seuls paysans qui consacrent leur vie à mettre en valeur ce que la nature leur offre, à ces « bounhoums » opiniâtres et passionnés qui, tel le formidable Philippe Vincent, s’émerveillent encore du sifflement d’une mésange ou du chant d’un bourdon quand l’administration et ses cerbères leur ont arraché leurs bêtes et leur raison de vivre.
Ce ne sont pas des formulaires insignifiants ni une obsession paperassière qui impulseront une bifurcation vers une agriculture paysanne plus soutenable mais une prise de conscience collective dont Jérôme Laronze restera une voix inspirante. »
Marie-Pierre Laronze (6 août 2022)